Dossier: la retraite
dossier sur les retraites paru sur le Lien Syndical d’avril 2019 (publication de la fédération CGT Sociétés d’études)
Déclaration de Catherine PERRET
La CGT porte une appréciation très claire sur les objectifs du projet gouvernemental, confié depuis plus d’un an maintenant au haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul DELEVOYE. En effet, ce projet de réforme de retraite universel par points consiste à accélérer la baisse des pensions pour répondre aux exigences européennes de diminution de la part du PIB actuellement consacré aux retraites. Pour cela, il s’agit d’en finir avec un régime de Sécurité sociale construit sur les cotisations sociales, et assis sur les richesses produites par le travail. En cela, ce projet de réforme s’inscrit dans une politique imposée au gouvernement par le patronat de toujours réduire la part des cotisations patronales. C’est ainsi que, cette semaine, pourrait être dévoilé le sort réservé aux mécanismes de solidarité, c’est-à-dire les droits non contributifs attribués aujourd’hui.
Pour rappel, cette solidarité permet de mutualiser les risques pouvant advenir tout au long d’une vie de travail : chômage, maladie, handicap, bas salaires… de compenser des interruptions d’activité incontournables : maternité… ou des pertes de revenus impactant fortement les ressources des retraités, ainsi en est-il aussi les pensions de réversion.
Les pensions de réversion permettent de réduire de 15 points les écarts entre les hommes et les femmes. La pression patronale, pour réduire les financements par cotisations sociales, incite le gouvernement à restreindre la solidarité interne assurée par les régimes pour la transférer à la « solidarité nationale » avec un financement par l’impôt. Tout cela représente autant d’économies pour les entreprises, à l’image des choix opérés déjà sur la sécurité sociale ou l’assurance chômage. Cela aurait pour conséquence une baisse importante des pensions. Les dispositifs de solidarité représentent 26% de la pension moyenne des femmes contre 14% de celles des hommes.
Ce projet régressif n’est pas en adéquation avec ce que demande la majorité des Français, notamment ceux mobilisés depuis des mois.
Je voudrais ainsi m’arrêter, quelques instants, sur la dernière étude rendue publique ces derniers jours. Selon l’étude Harris, 2 personnes sur 3 s’opposent à un report de l’âge légal de départ à la retraite, objet comme vous le savez d’une polémique au sein du gouvernement. Ils sont également 2 tiers à ne pas vouloir envisager de cotiser plus longtemps.
Majoritairement, ils estiment qu’ils partiront, dans les faits, au moins à 64 ans. Mais une majorité d’entre eux déclare préférer partir à 60 ans, comme cela était le cas avant 2011.
Cette étude confirme que la CGT met bien en avant les principales préoccupations des Français.
Elles sont les suivantes : à quel âge vais-je pouvoir partir en retraite, que va représenter ma pension par rapport à mon salaire de fin de carrière, et comment va-t-elle évoluer ?
Sur ces sujets, les générations qui sont aujourd’hui actives veulent bénéficier des mêmes garanties que leurs aînés, c’est-à-dire :
• Un engagement sur un taux de remplacement minimum de 75% ;
• Un âge de départ à 60 ans.
Pour la CGT, la retraite par répartition à prestations définies, peut répondre parfaitement à ces objectifs.
Cependant, nous avons, au contraire, de fortes interrogations sur la capacité d’un futur système universel à répondre à ces attentes, puisque le régime universel à points prôné par le président de la république est à cotisation définie.
Cela implique de bloquer le niveau des cotisations à 28% et qu’il n’y ait pas de possibilités de les augmenter, les prestations devenant alors la variable d’ajustement (donc la baisse des pensions) pour maintenir un équilibre financier de plus en plus éloigné des besoins croissants de la population.
Tout cela devient très clair en développant quelques exemples précis tirés de la vraie vie :
1er exemple : une femme du secteur privé, ayant travaillé toute sa vie, mais finissant les 8 dernières années de sa carrière en invalidité avec un salaire de 1 880€ (ce qui correspond comme vous le savez au salaire médian) peut partir aujourd’hui avec une pension de 1 163€. Demain, avec un régime à points, en appliquant les calculs de l’Arrco, elle tombe à 923€.
2ème exemple : un cadre avec de multiples employeurs, et avec des périodes de chômage entrecoupées, et avec le calcul sur les 25 meilleures années, passe d’un salaire moyen de 2 300€ à 1 471€ hors retraite complémentaire qui double sa retraite. Demain, avec le régime universel, la totalité de sa pension tombe à 1 348€.
3ème exemple : une enseignante, professeure de collège qui a débuté à 24 ans et part à 63 ans, subit une décote de 20% et touche une pension de 1 900€. Demain, même en intégrant ses primes (actuellement égales à 9% de sa rémunération) elle passerait au même âge à 1 622€.
Il n’y a pas à tergiverser, c’est clair : tous perdants !
À l’opposé, la CGT porte des propositions d’amélioration des droits dans le respect des spécificités des différents régimes existants.
Elle revendique également la création de nouveaux droits, en particulier la prise en compte des années d’études, de recherche du premier emploi, des périodes de précarité dans le calcul de la future retraite.
En effet, toutes les réformes paramétriques entamées depuis 1993 ont conduit à des reculs successifs sur l’âge de liquidation, l’acquisition des droits et la revalorisation des pensions.
Comme l’Insee l’a analysé, le niveau de la première pension nette par rapport au dernier salaire net s’est effondré depuis 1993. Aujourd’hui, du fait de l’indexation des droits en cours, de constitution sur les prix, au lieu d’une indexation sur les salaires, cette situation s’est encore dégradée. D’autre part, la réalité est imparable, le taux d’emploi des séniors en France est plutôt faible. Le fait d’augmenter l’âge de départ de 60 à 62 ans n’y a rien changé.
En effet, comme le relevait un rapport de France Stratégie l’année dernière, « les effets de substitution (vers le chômage, la maladie et l’inactivité) s’avèrent […] significatifs ». Autrement dit, de nombreux travailleurs âgés attendent leur retraite plus longtemps qu’auparavant, alors qu’ils ne sont plus en emploi.
D’autre part, les dispositifs actuels en matière de pénibilité (C2P et précédemment C3P) sont totalement insuffisants. Tout cela a donc détérioré l’image de notre système et notamment auprès des plus jeunes. Le spectre de la faillite du système s’est ainsi mis à hanter les esprits alors que, par construction, la répartition ne peut pas faire faillite. Je vous rappelle que tant qu’il y a des salaires, il y a des cotisations payées et des pensions versées. Les salaires sont un prélèvement sur la richesse créée. Donc, tant qu’il y a production de richesse, il y a de quoi financer les retraites. C’est donc bien sur la question de nouveaux financements qui est cruciale pour tous les salariés de ce pays. Le financement des propositions CGT, en matière de retraite, représenterait de 100 à 120 milliards d’euros aujourd’hui nécessaires à l’horizon 2050. Cette somme permettrait de garantir de bonnes retraites, dans un contexte où il est d’ores et déjà prévu que l’on passe de 12 à 24 millions de retraités à l’horizon 2050. Pour la CGT, de l’argent pour améliorer et garantir les droits à la retraite de toutes et de tous, c’est possible.
Pour ce faire, la CGT propose trois grands axes de financements :
1. Rééquilibrer le rapport travail /capital
Est-il besoin de rappeler que ce rapport s’est inversé et que la part du travail dans la richesse a reculé de 10 points au bénéfice du capital ? Augmenter les salaires du privé comme du public, imposer l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, mener une politique de développement de l’emploi durable et de qualité rapporte 38 milliards d’euros pour les retraites.
2. Soumettre tous les éléments de rémunération à cotisation
Intégration des primes des fonctionnaires ; de tous les éléments de rémunération dans le secteur privé, la suppression des exonérations ; cela rapporte environ 36 milliards d’euros pour les retraites.
3. Moderniser la fiscalité du capital
Taxer les revenus financiers, taxer les GAFA et lutter contre l’évasion fiscale, c’est au bas mot environ 20 milliards d’euros pour les retraites. À cela s’ajoute la nécessité que tous les fonds mobilisés, ou en réserve pour assurer la pérennité du système de retraite, soient réalisés sous la forme d’investissements socialement responsables sous le contrôle d’un pôle financier public.La réforme des retraites : de la cotisation à la contribution
La CGT souhaite donc vous présenter ses propositions pour un système par répartition solidaire entre les générations et inter professionnellement qui améliore les droits de toutes et tous, en crée de nouveaux en direction de la jeunesse notamment, elle affirme que nous avons les moyens, compte tenu des richesses produites par le travail, de les financer.
Pour construire les mobilisations, la CGT lance une grande campagne sur le mode « ne jouez pas vos droits à la retraite à la loterie », alors que le haut-commissaire est dans l’incapacité d’annoncer le montant des futures pensions et l’âge de départ réel de départ avec une retraite digne.
La CGT annonce sa détermination à combattre, avec toutes les organisations syndicales qui le souhaitent, et les organisations de jeunesse, le projet de réforme universel à point du gouvernement pour un système de retraite solidaire qui réponde aux besoins des retraités d’aujourd’hui et de demain.
LA CAMPAGNE CGT
Le projet de loi-cadre sur la réforme des retraites sur le lieu de travail (dans les services, entreprises) traites devrait être présenté dès le 1er semestre sur les questions de retraites, répondre aux intermestre 2019, dans le contexte des élections européennes. En effaçant les repères habituels pour rendre la réforme illisible, le gouvernement cherche à désarçonner syndicats et salariés, afin de mettre à plat les mécanismes de solidarité et changer les paramètres de financement des retraites.
Nous avons commencé il y a plusieurs mois une campagne en interne pour se préparer à la bataille qui s’annonce sur ce point. Nous avons mis en place des modules de formation de nos militants pour que tout le monde soit en capacité d’échanger sur le lieu de travail (dans les services, entreprises) sur les questions de retraites, répondre aux interrogations légitimes de leurs collègues, et pouvoir avancer les propositions revendicatives de la CGT.
Nous allons donc porter sur la table un certain nombre de propositions qui consistent à améliorer les droits de tous les régimes et à les harmoniser. Il faut également alerter la population sur les risques de ruptures avec les fondements de principe de solidarité intergénérationnelle à l’origine de la création de la Sécurité sociale. Dans ce cadre, la campagne qui s’annonce s’inscrit dans celle plus large de reconquête de la Sécurité sociale.
La réforme des retraites : de la cotisation à la contribution
La réforme Macron consiste, pour la retraite comme pour d’autres sujets, à en finir avec un régime construit sur les cotisations sociales, et notamment assis sur les questions du travail. Il veut imposer un glissement vers la contribution, c’est-à-dire vers l’impôt. En particulier, les droits qu’il a dans son collimateur sont ceux liés à la solidarité des régimes de retraite : les minima de pension, les droits conjugaux et familiaux, les questions autour de l’assurance chômage et, désormais, les arrêts maladies.
Un des axes pour entrer dans la campagne médiatique est de contrer le projet de réforme systémique qui vise à imposer un système universel par points. Nous avons décidé de commencer notre campagne autour d’une question dont personne ne parle : « Demain, quel niveau de pension pour l’ensemble des salariés ? » Cela va être l’entrée principale de notre travail pour susciter des interrogations, du débat public, et donc de la démocratie dans notre pays afin de répondre à cette interrogation : « Que veulent les Français ? »
Une journée internationale a été organisée à Montreuil le 26 septembre avec des camarades suédois, italiens, allemands et belges. Ces derniers – qui ont été confrontés à un projet de réforme similaire – ont réussi à mettre en échec leur gouvernement. Ils ont notamment mis en avant le caractère aléatoire de la retraite par points en développant qu’il s’agirait d’une « retraite tombola » où le montant de la pension reste impossible à déterminer jusqu’à deux ans avant l’âge de départ.
Dans un premier temps, nous proposons de reprendre cette idée pour entrer en campagne et alerter le grand public sur les dangers de la réforme. Ensuite nous développerons nos propositions pour améliorer le système actuel dans le cadre du projet « Pour une Sécurité sociale du XXIème siècle ».
La réforme des retraites : un enjeu de société
Le projet de loi réformant le système de retraites sera présenté en 2019. Cette réforme résulte des décisions libérales de l’Union européenne de réduire les dépenses publiques et la part du PIB consacrée aux pensions, mais aussi des exigences patronales de baisser les cotisations. Le gouvernement avance des objectifs attrayants : le régime sera plus simple, plus juste, pour tous. Mais il évite tous les sujets essentiels : quel sera le niveau de ma pension, et à quel âge pourrai-je partir en retraite ?
La CGT s’oppose à une réforme systémique basculant le système dans une autre logique. Le système par annuité est le meilleur pour maintenir le niveau de vie à la retraite. Notre campagne de formation, d’information et de communication vise à construire le rapport de force pour combattre la réforme, mais aussi imposer des propositions pour garantir et faire progresser le système actuel de retraites.
Le projet de réforme : un enjeu de solidarité
La réforme consiste à en finir avec un régime construit sur les cotisations sociales et à en rompre le lien avec le salaire pour imposer un glissement vers l’impôt. Les droits dans le collimateur sont ceux liés à la solidarité des régimes de retraite : les minima de pension, les droits conjugaux et familiaux, les questions autour de l’assurance chômage, et aujourd’hui les arrêts maladies. Les personnes les plus touchées par cette réforme seront les plus précaires. La France dégage de plus en plus de richesses, les Français ont de plus en plus de besoins – y compris en matière de retraites. L’équation est simple : partageons les richesses pour répondre aux besoins et augmentons le niveau de pension. Cette réforme est destinée à faire baisser le niveau des pensions. Elle s’inscrit dans la volonté, à terme, de faire en sorte que le régime de base, quel que soit le régime des salariés ou des agents, soit tellement bas que cela nécessite d’ouvrir justement en grand les régimes de retraite à l’assurantiel et à la capitalisation. Il faudra donc qu’on ne perde pas de vue qu’il y a, à l’affût, un certain nombre d’entreprises d’assurance qui lorgnent ce grand marché des surcomplémentaires.
La future loi PACTE contient plusieurs mesures destinées à renforcer l’épargne retraite des salariés. Si on fait baisser très fortement le régime de base, les gens seront obligés – pour pouvoir survivre à la retraite – de se constituer une épargne assurantielle. C’est donc un coin enfoncé dans le régime solidaire par répartition, qui est cher à l’histoire de notre pays.
FINANCER UN RÉGIME SOLIDAIRE DE RETRAITES PAR RÉPARTITION À PRESTATIONS DÉFINIES, C’EST POSSIBLE
Les propositions de la CGT pour garantir dans la durée le financement des retraites par répartition, dans le privé comme dans le public.
Un besoin de financement compris entre 100 et 120 milliards d’euros
Le projet du Haut-Commissariat aux retraites prévoit de bloquer le taux de cotisation à son niveau actuel, soit 28% du salaire. Il repose donc sur un principe de cotisations définies. En bloquant le taux de cotisation, il est impossible de financer de bonnes retraites alors que les besoins vont croître du fait de l’augmentation du nombre de retraités. Pour garantir dans la durée le financement d’un régime solidaire de retraite par répartition, reposant sur la technique des annuités et par conséquent à prestations définies, nous estimons que des financements de l’ordre de 100 à 120 milliards d’euros (en euros 2019) seraient nécessaires entre aujourd’hui et 2050. Cela permettrait de garantir un taux de remplacement de 75% de la rémunération des meilleures années, avec un droit au départ à 60 ans (plus tôt en cas de travaux pénibles), avec une indexation des pensions sur le salaire moyen. La CGT a des propositions pour dégager les ressources nécessaires.
Les propositions de la CGT pour financer notre régime de retraites par répartition à prestations définies
Modifier la répartition des richesses
- Développer l’emploi stable et qualifié : le Conseil d’orientation des retraites (COR) estime que la baisse du taux de chômage à 7,4% à l’horizon 2022 permettrait de dégager des ressources à hauteur de 0,4 point de PIB (près de 10 milliards d’euros). Un véritable retour au plein-emploi à terme (3% de chômage) permettrait de dégager des ressources encore plus importantes ;
- Augmenter les salaires : une augmentation des salaires de 3,5% dégagerait immédiatement 6,5 milliardsd’euros pour financer les retraites;
- L’augmentation du point fonction publique rapporterait 6 milliards d’euros;
- L’intégration des primes dans la fonction publique rapporterait 6 milliards d’euros;
- L’égalité salariale femmes/hommes rapporterait 5,5 milliards d’euros (source Cnav).
Supprimer les exonérations et soumettre à cotisations sociales tous les éléments de rémunération
Les lois de financement de la Sécurité sociale pour 2018 et 2019 ont augmenté massivement les exonérations de cotisations sociales (suppression des cotisations salariales assurance-maladie et assurance chômage, exonération des heures supplémentaires, transformation du CICE en exonération de cotisations sociales, extension de la quasi-suppression des cotisations employeur au niveau du Smic retraites complémentaires et l’assurance chômage, exonération dégressive des cotisations employeurs retraites complémentaires jusqu’à 2,5 Smic…).
La suppression de ces exonérations permettrait de dégager près de 20 milliards d’euros pour financer les retraites.
Mettre en place un « malus » sur les emplois précaires
L’instauration d’un malus sur les emplois précaires rapporterait 10 milliards d’euros. Soumettre à cotisations sociales l’intéressement, la participation, l’épargne salariale et l’épargne retraite rapporterait 10 milliards d’euros, qui pourraient être affectés aux retraites.
Moderniser la fiscalité du capital
La CGT propose de créer une contribution sociale sur les revenus financiers distribués par les entreprises, à un taux équivalent aux cotisations employeurs sur les salaires. Cette contribution pourrait rapporter 30 milliards d’euros. Lutter véritablement contre l’évasion fiscale et sociale rapporterait plusieurs dizaines de milliards d’euros.
Investir les réserves des régimes de retraite de manière socialement responsable
Par ailleurs, les régimes de retraites ont des réserves financières importantes (Arrco-Agirc, régime additionnel des fonctionnaires, fonds de réserve des retraites). La CGT revendique que ces réserves soient intégralement gérées de manière socialement responsable, en lien avec le pôle financier public dont elle revendique la création.